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Rencontre avec Alex McLeod

2021-10-12
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interview

Alex McLeod

Alex McLeod est un artiste visuel basé à Toronto qui crée des œuvres sur l’interconnexion, les cycles de la vie et l’empathie. Il utilise comme support d’expression l’ordinateur et s’inspire notamment des médias et des mécanismes des réseaux sociaux. Il aime également travailler sur les thèmes de l’environnement construit, l’adaptation, la vie, la mort et l’espace invisible entre les deux. Il crée à partir de tout cela des environnements 3D techniquement sophistiqués qui servent aussi bien de toile de fond à des campagnes publicitaires que de narration cinématographique pour des clips musicaux.

Il perçoit ses estampes, animations et sculptures comme constituant des passerelles vers des dimensions alternatives, oscillant entre le réel et l’imaginaire. Alex est titulaire d’un BFA en beaux-arts de l’Ontario College of Art and Design et d’une maîtrise en médias numériques de la Yeates School of Graduate Studies de l’université Ryerson, à Toronto. Ses œuvres font partie de collections privées et publiques dans le monde entier. Il a d’ailleurs déjà été exposé aux quatre coins du monde, de Toronto à Vancouver en passant par Vienne, Miami et bien d’autres.

Comment décrirais-tu l’art numérique ?

« La définition qui me vient en premier lieu pour décrire l’Art numérique est “tout ce qui est fait principalement sur ordinateur, ou dont la source initiale a été conçue sur l’ordinateur”. Mais à y réfléchir un peu plus, c’est un peu plus compliqué que cela. En fait, c’est une question difficile, parce qu’aujourd’hui, dans l’esprit des gens, l’art numérique c’est un peu tout et n’importe quoi, puisqu’aujourd’hui, quoi que l’on crée, on a besoin, à un moment ou à un autre d’utiliser un support numérique. C’est le cas de la photographie, par exemple : la plupart des appareils photo sont numériques. Et c’est la même chose pour les vidéos ! La photographie, le codage, les vidéos, le graphisme… on appelle presque toutes ces disciplines “art numérique”, donc ça devient très nébuleux. Et je ne suis pas sûr que cela serve l’art numérique d’y inclure toutes ces catégories qui sont vraiment différentes les unes des autres. Bien sûr, l’art numérique est fait sur l’ordinateur, mais pas seulement. L’art numérique a l’apparence du digital, et parle en quelque sorte de ses créations numériques… Créée sur un support numérique, ayant l’apparence du digital et une recherche centrée sur la question du numérique : voilà l’œuvre qui pour moi mérite vraiment le nom “d’art numérique”. Je ne suis pas en train de dire par là que l’art numérique découle nécessairement du codage. Je ne fais pas de programmation ou de codage dans mon travail.

Flowers Double Red, Alex McLeod

J’ai étudié la peinture, et je vois les choses d’un point de vue différent. Dans mon travail, j’utilise simplement des logiciels 3D, qui recréent ce que la peinture peut créer, tout en allant plus loin. Bien sûr, le codage peut avoir une réelle importance dans l’art numérique, mais ce n’est pas la seule façon de le décrire et de le définir. Le plus important est que le numérique doit être au centre de la réflexion de l’artiste.

Quel est ton parcours ? As-tu suivi une formation spécifique ?

Je viens de la peinture ! Au début, je m’intéressais à la fois à la musique et aux arts visuels, mais j’ai toujours su que je devais choisir entre les deux, alors j’ai commencé à étudier les arts visuels… Et, je pense que c’était le bon choix ! Je n’ai aucun regret et je sais maintenant qu’il m’a été particulièrement bénéfique de choisir cette voie. J’ai obtenu mon diplôme en 2007 et à l’université, il n’était pas possible d’étudier l’art numérique. Il fallait se diriger vers le design graphique, si vous vouliez travailler sur un ordinateur, ou alors être peintre. Et… comme je savais déjà comment travailler sur un ordinateur. Je me suis dit : “bon, j’ai un ordinateur à la maison, j’étudie la peinture ici, on est bon !” Mais j’ai arrêté de peindre dès que j’ai pu. Au cours de mes études, je suis arrivé à un point où j’attendais simplement d’être diplômé. Je faisais déjà de l’art numérique par ailleurs. J’ai appris par moi-même à utiliser des logiciels numériques. J’ai posté mes œuvres sur Instagram, et j’ai vu aux réactions des gens que mon travail plaisait. J’ai commencé à imprimer mes œuvres, et à les exposer, et les gens ont aimé. Et ça a continué. J’ai développé de nouvelles compétences, découvert de nouveaux médias… et après avoir obtenu mon diplôme, j’ai définitivement arrêté de peindre. Je suis vraiment heureux de voir que les étudiants ont maintenant la possibilité d’étudier l’art numérique à l’université, car il y a quelques années encore, ce n’était pas possible.

Qu’est-ce qui t’a poussé à faire de l’art numérique ? Qu’est-ce qui t’anime dans l’exploration des nouveaux médias ?

J’ai décidé de faire de l’art numérique parce qu’en tant que peintre, je n’arrivais jamais à obtenir le résultat que je souhaitais. Je pense que j’étais presque trop paresseux pour attendre que mon travail ait l’apparence dont je rêvais : je n’avais ni les compétences requises, ni la patience. Ce que je trouve vraiment beau dans l’art numérique, c’est notamment la rapidité d’exécution : Je veux qu’une chose soit jaune ? Hmmm… peut-être serait-elle mieux en bleu ? Non, en fait jaune c’était bien! Avec l’art numérique, on peut s’autoriser à essayer.

Ce qui est beau dans l’art numérique, c’est que vous restez créatif, que vous essayez et explorez de nouvelles idées, de nouvelles formes et de nouvelles couleurs. Je sais que si j’avais essayé d’obtenir un jaune spécifique en peinture, j’aurais dû le faire, et le refaire encore et encore, le gâcher, et le refaire, sans atteindre un point satisfaisant. L’art numérique correspond davantage à ma sensibilité et à mes compétences. Un autre point peut être : l’art numérique ne nécessite pas beaucoup d’espace et de matériel : je peux rester dans un petit endroit, avec cet ordinateur et cette souris, et créer de l’art ! Cela me plait beaucoup ! Toutes ces raisons ont créé un mélange parfait qui m’a conduit à faire de l’art numérique.

New Ghost, Alex McLeod

L’art numérique correspond vraiment à ma sensibilité… J’aime explorer les nouveaux médias et les nouveaux logiciels. C’est passionnant de découvrir de nouveaux médias, d’apprendre à faire des choses différentes, à mieux traduire ce que je veux exprimer à travers mon art. Cela multiplie les possibilités, et offre de nouvelles perspectives qui sont très enthousiasmantes !

Quels sont tes outils en tant qu’artiste numérique ? Quelle est ta technique ?

« C’est vraiment drôle parce que je n’utilise pas de tablette, je n’utilise pas non plus de souris magique super puissante. J’utilise juste cette simple souris, et ce clavier que vous voyez là. J’ai essayé d’utiliser une tablette, mais je n’ai pas trouvé cela confortable. J’ai quelques autres ordinateurs avec une bonne mémoire et un bon stockage, ce qui me permet de travailler sur beaucoup plus de projets en même temps. Oui, car en tant qu’artiste numérique, il est aussi très important d’avoir un bon stockage ! Je fais des sauvegardes, et des sauvegardes, j’utilise des disques durs, des sauvegardes cloud, et j’essaie de n’ avoir aucune création attachée à un unique ordinateur. C’est vraiment drôle, parce que je n’utilise que du matériel traditionnel de bureau, mais… je fais de l’art !

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

« Je m’intéresse à l’empathie et à l’humanité. J’aime travailler sur des thèmes comme les environnements construits, l’adaptation, la vie, la mort, et l’espace invisible entre les deux. J’aime créer des environnements 3D sophistiqués. Dans BLUE ON YELLOW SHELL par exemple, nous pouvons voir ces blocs bouger, et parfois, en les regardant, nous nous surprenons nous-même à penser que ces créatures vivent, qu’elles ont peut-être un cœur. Ils se mettent dans des positions bizarres, ils sont écrasés, puis ils roulent, et nous devenons familiers de ces petites créatures numériques. Parfois, on a l’impression qu’elles sont vivantes, et cela peut nous faire rêver à d’autres espèces vivant peut-être sur d’autres planètes. Explorer tout cet univers me passionne.

À mesure que nous avançons dans la technologie, qu’elle devient plus sophistiquée et que nous en dépendons davantage, nous ressentons une sorte d’empathie envers ces créatures. Serions-nous capables de leur faire le moindre mal ? Je pense qu’il est vraiment important, surtout de nos jours, de mettre en lumière ce à quoi nous sommes empathiques.

Je suis aussi très heureux de la dernière œuvre que j’ai faite : ces Flower Rooms… Pour être honnête, je ne les ai pas encore finies, je réfléchis toujours à la façon de les terminer, j’hésite… Mais l’idée d’origine vient des derniers confinements. Avec les quarantaines, notre relation aux espaces a complètement changé : nos lieux de travail ou de vie ont migré ailleurs…

Ce travail représente un beau paysage fleuri, enfermé dans un cube. C’est un mélange de nos désirs, de notre mémoire. Une œuvre qui nous encourage à faire quelque chose de beau à partir de nos limites.

Flower Rooms, Alex McLeod

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